mercredi 12 mars 2008

...savoir pourquoi, un jour, ma fille a pissé sur les affaires de son frère!

Vous vous souvenez peut-être de ce billet dans lequel je vous racontais le parcours scolaire de mes enfants. C'était en fait une "première" partie destinée à servir d'introduction à une note consacrée au "français tel qu'ils le parlent...". Mais si j'ai commencé plusieurs fois ce billet je n'ai jamais réussi à le terminer. Trop long, trop confus...

J'ai donc tout remis à plat...et presqu'un an plus tard je pense être enfin arrivée à pondre un article compréhensible, voire même (peut-être) intéressant! Faut pas être pressé, mais comme on dit: tout vient à point à qui sait attendre...J'adore ces proverbes à la noix!

Donc mes enfants parlent français, ne serait-ce que par le fait qu'à la maison nous exigeons qu'ils le parlent mais c'est vraiment un français bizarre. Truffé d'expressions directement traduites de l'anglais et surtout de l'espagnol. Mais en même temps ils utilisent parfois des mots, non pas difficiles mais d'un niveau de français plutôt relevé. Par exemple, mon fils m'a demandé récemment si la remarque que je venais de faire était "sarcastique". Et ils se corrigent l'un l'autre. C. qui disait (en " spanglais " dans le texte) que c'était "obvieux" qu'il n'allait pas pleuvoir, a été reprise par son frère qui lui a demandé si elle voulait dire "évident".... Ce à quoi elle a répondu: "lo que sea"....Ca nous change un peu du "whatever" qu'elle (et moi) utilisons trop souvent !

Je pense que C., qui est vraiment trilingue, fait moins d'effort que son frère qui est seulement bilingue franco-espagnol avec un niveau correct en anglais. Elle mélange (volontairement, ou par paresse) les trois idiomes. Le premier mot qui lui vient à l’esprit c'est celui qu'elle utilisera et elle n'hésite pas une seconde à mélanger dans une seule phrase les trois langues si c'est plus facile.
Bien sûr je m'y oppose et nous essayons qu'une phrase commencée dans une langue soit terminée dans la même. Et je passe mon temps à corriger les fautes de grammaire et de vocabulaire qu'ils peuvent faire, la plus courante étant : "nous allons au docteur (dentiste, coiffeur...)... " Ca fait des années que je me bats et même si j'ai noté ces derniers mois une nette amélioration (c'est-à-dire qu'ils se reprennent eux-mêmes) je me demande si j'arriverai un jour à leur faire dire du premier coup "chez le docteur"...

Voici quelques exemples de leur français à eux…

Il y a les expressions directement issues de l'espagnol: visiter à quelqu’un, ça m'est mal sorti, Machin est sorti à la radio, Fulanita et Fulanito ont coupé....

Et les anglicismes : c'est bien pour lui, chercher pour quelque chose, attendre à ou attendre pour quelqu’un, j’ai sauvé le jour…

En ce qui concerne le vocabulaire c’est encore plus "obvieux " comme dirait ma fille. Déjà il y a des termes que nous employons tous: " lunch-box " ou "lonchera" (c'est quoi exactement l'équivalent en français?), " sweater " (ou "sueter " à la mexicaine) au lieu de gilet alors que, s’il s'agit d'un pull, étrangement c'est bien le mot français qui a été adopté. "Chaleco" au lieu de débardeur (E' ne connait absolument pas le mot français, il faut dire que débardeur c'est tellement rétro que finalement le mot espagnol est plus adapté). Nous utilisons indifféremment "mochilla" ou "cartable" mais curieusement "back-pack" est tombé en désuétude quand nous avons quitté le Texas. Et mes enfants n'ont pas de trousse, non, ils ont un "estuche" dans lequel E' range ses "plumes"...
Quand je leur fait réciter les tables de multiplications en français j'ai droit à "7*9=soixante-trois" mais "7*10=setenta". Et partir de "setenta" en général c'est l'espagnol qui domine. Peut-être que j'aurais du leur apprendre septante, octante et nonante. Mais ça n'aurait rien changé au fait que pour C., 10 divisé par 2 c'est 10 "entre" 2....

Il est d’ailleurs assez amusant de noter qu’il leur arrive aussi d’ « espagnoliser » un terme français en rajoutant un « a » ou un « o » ou de conjuguer un verbe français à la mode castillane…En revanche je n'ai jamais remarqué de "francisation" de l'anglais chez ma fille.

Entre eux les enfants ne parlent pratiquement qu'espagnol sauf quand il s'agit de s'insulter. Là le français reprend ses droits et quelques fois même l'anglais...
Parfois nous nous demandons si E' comprend bien le français, surtout lorsqu'il s'agit d'instructions. Il lui manque du vocabulaire. Alors pour devancer tout problème nous avons pris la mauvaise habitude de traduire...ce qui fait qu'il ne sait toujours pas, par exemple, ce qu'est une commode...

Quant au titre c'est un clin d'œil familial: un jour que j'étais tranquillement en train de ne rien faire, j'ai entendu des beuglements atroces en provenance du premier étage et mon fils qui hurlait que sa sœur avait pissé sur ses affaires,. Je me suis précipitée en pensant que là vraiment elle avait franchi les bornes des limites et qu'on allait voir ce qu'on allait voir...Pour m'apercevoir qu'en fait elle n'avait fait que "piétiner" les affaires en question et qu'E' avait honteusement et à mauvais escient francisé le verbe "pisar"...

17 commentaires:

  1. je suis très admirative de ces enfants d'expatriés qui dès leur jeune âge, savent se débrouiller dans des langues "étrangères" ou plutôt non "natales"!!
    bravo à tes enfants!
    j'ai bien ri aussi des traductions!

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  2. Tres beau billet et exemples tres bien choisis! Heu bon "lunch box" je seche aussi...

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  3. @ catherine: je crois qu'en fait les enfants français vivant à l'étranger (comme d'ailleurs les enfants étrangers en France) n'ont pas vraiment de "mérite": ils n'ont surtout pas le choix! Et puis pour un enfant c'est tellement plus naturel d'apprendre une nouvelle langue que pour un adulte...Ils ne se posent pas de question, n'ont pas peur du ridicule s'ils se trompent etc etc

    @ Galinette: merci. Pour lunch-box je dirais "boite-repas" mais ça fait un peu bouffe pour chat ;-) Faut dire qu'en France ça n'existe pas, non? C'est cantine ou repas à la maison...

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  4. C'est bien le pain quotidien de tout bilingue. J'ai encore dans la tête des remarques de mon frangin genre "tu bouffes pas tes Zwiebeln?" ou en trilingue "Je l'ai foutu sur le corner du Tisch".

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  5. Au Québec on dit: boîte à lunch ;) Ce qui est déjà dans 2 langues, hu hu!

    Moi aussi ça me fascine ce mélange de langues qui en fait pour eux-lesenfants- est tout à fait naturel. J'imagine que le tout passera dépendamment d'où ils vivront :)

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  6. Excellent..
    on devient de droles de freaks linguistiques, c'est cutie et bien padre.
    j'ai un probleme serieux quand je melange les expressions qui ont des sens absolument differents a mexico, a buenos aires, caracas ou bogota. Je parle avec des bouts de mots andins, chilangos, francisations atroces et caraibes..personne ne pipe mot parfois, du coup je mouline avec moultes gestes.et ca passe.
    L'academia real n'a qu a bien se tenir.
    NE MAMES POINT...
    Mais en meme temps, la puissance culturelle du Mexique fait que les mexicanismes sont compris partout sur le continent...Etonnant, non?

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  7. @ Gryphon: J'imagine bien que c'est le pain quotidien de tout enfant bilingue mais moi j'ai grandi dans un univers monolingue (non le morvandiau ça compte pas ;-)), est été victime du système français d'enseignement des langues vivantes ( commencer en 6eme, quelle conn*rie ) et donc je trouve ça assez fascinant.

    @ Barballa: j'aurais du me douter que les Quebecois avaient une réponse à ma question! "Boite à lunch" oui pourquoi pas, c'est quand même mieux que boite-reaps ;-)

    @ Patxi: c'est marrant ce que tu dis sur la puissance culturelle du Mexique parce que moi j'avais l'impression, au contraire, que les autres pays d'Amérique Latine et plus particulièrement la Colombie avaient tendance à regarder le mexicain un peu de haut, comme une espèce de sabir à moitié métèque ;-) aux antipodes du castillan de l'Academia Real. Ce que je trouvais d'ailleurs particulièrement injuste vu que le Mexique est le pays hispanophone le plus peuplé...
    A l'école ici les enfants apprennent (un peu) du vocabulaire d'autres pays hispanophone. Mais le problème c'est que comme ils ne l'utilisent jamais, ils l'oublient aussi vite qu'ils l'ont appris...

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  8. Mon chéri appelle cette manière de parler "immigrantese". :)
    Incroyablement, moi qui ai vécu mes 25 première années dans un pays francophone, j'ai de temps en temps (en fait souvent!) des doutes au sujet du français. Je n'ose pas imaginer ce que ça sera le jour où j'aurai des enfants!

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  9. Que voici un billet agréable! Comme tu le soulignes, les enfants n'ont pas le choix. Les pirates l'avaient compris. Ils enlevaient des enfants, et les déposaient dans des ports nouvellement connus. Lorsqu'ils repassaient quelques mois plus tard, ils les retrouvaient et avaient alors des traducteurs instantanés; ils pouvaient communiquer par leur "truchement". Les enfants se posent moins de questions que nous: ils osent, ils se lancent, ils n'ont pas honte. Ils auront bien le temps de remettre ça en forme! Patience!
    Lunch-box... encore faudrait-il qu'ici ils en aient l'utilité, d'où l'absence d'un terme traduisant exactement celui-ci. Je proposerais "musette" tout simplement.

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  10. Le débardeur au Québec c'est la camisole... Je sais pas si j'aime ça mieux que chaleco, mais en Argentine il me semble qu'on utilise plutôt "remerita" à toutes les sauces. :-)

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  11. @ JvH: j'essaie (entre autre grace au blog) de faire un effort à l'écrit et à l'oral je me force à cause des enfants, mais sinon si je me laissais aller ça serait la catastrophe!

    @ Homo-sapiens: "musette", tu as raison c'est le terme adéquat. Mais je crois que je vais avoir des problèmes à l'imposer à la maison...

    @ Noelia: vous entendez quoi exactement dans le Nord par "camisole"...

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  12. Tu m'étonnes que tu aies bondi lorsque tu as entendu que ta fille avait "pissé" sur les affaire de son frère !!!!
    Non mais quelle éducation par ici ;-)

    Un petit truc pour "chez le docteur".
    C'est un instit de CM2 qui me l'a apprise : On va toujours CHEZ quelqu'un sauf lorsqu'il s'agit d'aller aux pu*tes.
    ça m'a marqué et du coup, je n'ai jamais oublié. Mais bon, tu peux peut-être supporter encore quelques "aller au docteur" aant d'expliquer ça à tes enfants.

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  13. Euh, oui, je crois que je vais encore continuer un peu avec ma méthode, hein ;-)

    Remarque moi j'ai le souvenir d'un instit nous disant "on emmène les enfants chez le médecin et la vache au taureau"...La même chose en plus campagnard on va dire!

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  14. Génial!!!!!!! C'est une sacré chance en tout cas pour tes enfants de baigner dans 3 langues dès leur plus jeune âge!

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  15. Je crois qu'effectivement c'est une chance même si cela entraine parfois des lacunes "culturelles".

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  16. Hé hé j'ai tout de suite compris le titre! Moi non plus j'aime pas trop qu'on me pisse dessus! lol
    Au moment de mes études je suis rester 4 à Madrid et je parlais un français fortement hispagnolisé! lol
    Je sais qu'encore maintenant j'ai des tournures de phrases un peu étranges d'autant plus que j'ai enchainé directement avec mes années irlandaises!
    Je vois très bien comment tes enfants peuvent parler :-)
    C'est chouette pour eux.
    Après c'est vrai qu'il y a des lacunes culturelles on ne se sent jamais vraiment de quelque part, on manque de "références"... En tout et pour tout je n'ai été absente de France que 7 ou 8 ans mais j'ai des "trous" dans ma "culture française" ... Alors pour eux j'imagine!!!
    En tous cas j'aime beaucoup ton article qui décrit très bien tout ça. J'ai passé un très agréable moment à le lire :-)
    J'ai dit "mochila" très longtemps pour parlé de mon petit sac à dos :-)
    Bises et bises à tes petits polyglottes!

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  17. En ce qui concerne les trous dans leur culture française, j'essaie de me consoler en me disant qu'ils auront au moins une très grande ouverture d'esprit (j'espère!) et que finalement dans le monde dans lequel ils vivront (et leurs enfants) il y aura de plus en plus de personnes dans leur cas...

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