mardi 11 septembre 2007

...grands moments (culturels) de solitude.

Mon amie américaine appelle ça des "cultural moments". Ce genre de moments, assez désagréables, pendant lesquels vous vous sentez totalement étranger, pas du tout en phase avec la culture, les mœurs et habitudes locales, pas à votre place. Ces instants pénibles peuvent arriver n'importe où, n'importe quand, avec n'importe qui et à propos de n'importe quoi. En ce qui me concerne c'est plutôt au Mexique, le plus souvent à l'école face à une assemblée de mères d'élèves et presque toujours à propos d'éducation.

Ca s'est passé l'année dernière. Les parents des élèves de "Quinto" avaient été convoqués par la direction de l'école à une réunion hyper importante. La moitié environ des mères étaient présentes ainsi que l'équipe directoriale au grand complet: directrice, coordinatrice d'espagnol, psychologue etc. L'heure semblait grave. On nous a très vite expliqué que nous avions été convoqués parce que des faits alarmants s'étaient produits en "Quinto": lors d'un atelier-écriture les élèves devaient imaginer par groupes de 4 une petite pièce de théâtre sur le thème de la famille. Or trois groupes (ma fille faisait partie d'un des groupes mais ça je ne l'ai su que beaucoup plus tard) avaient écrit des choses totalement "inacceptables": le père était un flic corrompu, la mère une prostitué, le grand-père un ivrogne et les enfants des drogués...Bon là je mélange un peu mais vous voyez le genre. Pas une belle famille avec des belles valeurs, ce qui visiblement était ce que l'on attendait d'eux. Un premier groupe s'était lancé dans cette voie et les autres avaient surenchéri.
On a donc commencé à nous faire une leçon de morale en disant que vraiment ce n'était pas du tout normal que des enfants de 11-12 ans aient ce genre d'idées, que probablement les parents devraient un peu mieux surveiller ce que les enfants voyaient à la télé etc. etc. Et là, comme une andouille je lève la main et, première à prendre la parole, je donne mon opinion qui est que franchement il n'y a pas de quoi en faire un fromage, que personnellement je suis un peu étonnée mais pas franchement choquée, que c'est de la fiction, qu'ils ont passé l'âge des contes de fées (j'ai du le dire en anglais car bien sûr j'étais incapable de me rappeler comment ça se disait en espagnol...) et que probablement il y avait là une bonne part de provocation ... Tout en parlant je m'aperçois que tous les regards sont braqués sur moi et qu'ils ne sont pas du tout sympathiques .J'ai bien senti que j'avais, comme qui dirait, gaffé, j'ai terminé rapidement en essayant de ne pas trop bafouiller et ai attendu la riposte...Qui n'a pas tardée plus de 10 secondes... Une maman a immédiatement dit qu'elle était très choquée, qu'elle ne comprenait même pas qu'on puisse ne pas être choquée ( premier coup d'œil dans ma direction, hum), qu'il y avait sûrement des familles dans lesquelles ça se passait comme ça ( regard qui tue...) et que vraiment les valeurs dans cette école n'étaient plus ce qu'elles étaient avant. Et toutes d'opiner...
Je me suis sentie très mal et très seule, me suis tassée sur mon siège en attendant avec impatience la fin de cette réunion J'en suis sortie très énervée et la première chose que j'ai dite à C. lorsque je l'ai récupérée quelques minutes plus tard c'est que j'avais "bousé" grave en réunion et qu'elle avait intérêt à être une élève modèle (ce qu'elle est presque tout le temps) parce que c'était sûre que tout le monde allait penser que tout ce qui allait mal était forcément de sa faute vue la folle de mère qu'elle avait... Son seul commentaire a été "Aye maman...!"
N'empêche que plusieurs mamans qui avant me saluaient ont par la suite arrêté de le faire. Depuis ça s'est un peu arrangé mais sur le coup je l'ai quand même eu mauvaise.
Jusqu'au jour où, tout à fait dans un autre contexte, j'ai rencontré une maman que je ne connaissais pas et qui m'a dit: "Ah tu es la Française qui avait parlé à la réunion de "Quinto", tu ne peux pas savoir comme je me suis sentie mal pour toi ce jour là, j'ai voulu te soutenir et puis j'ai pas osé."
Ca m'a fait plaisir mais je crois que j'aurais nettement préféré un soutien sur le moment.

Cette expression "bouser" (ou faire une bouse) je l'ai utilisée quand j'ai raconté l'histoire à ma copine Ch. Elle lui a beaucoup plu et l'autre jour elle est venue me mettre au courant de son "bousage" du même genre dans l'école de son fils...Et j'ai remarqué que mes copines allemandes avaient elles aussi tendance à "bouser" en matière d'éducation. Ca m'a un peu rassurée: c'est pas de ma faute, M'dame c'est culturel ;-)

Je m'étais pourtant promis de ne plus intervenir mais je n'ai pas pu me retenir: cette fois-ci c'est en "Segundo" que je suis en disgrâce...pour avoir affirmé que l'orthographe, la grammaire et l'expression écrite étaient beaucoup plus importantes que l'écriture et que je ne voyais pas l'intérêt que mon fils perde autant de temps à mesurer la taille de ses majuscules (qui doivent être en bleu). Là j'étais un peu moins seule de mon opinion mais quand même dans une très très petite minorité. Encore une bouse de Maman!

Hier matin réunion des "Sexto" et les enfants avaient laissé aux parents un petit mot de bienvenue. Celui de C., en français et très gentil se terminait sur ces mots: "et ne fais pas trop la ridicule, merci!"...O solitude!
Ça c'est juste pour qu'il y ait vraiment un moment culturel ;-)

10 commentaires:

Anonyme a dit…

leur réaction est "culturelle" mais par-dessus tout défensive: ils ont défendu leur territoire! on observe souvent ça quand on se trouve en territoire étranger, au sens large du terme, dans une autre famille par exemple! S'ils se sentent en danger: ils te rappellent que tu n'es pas du clan; même s'ils doivent le faire avec mauvaise foi! Ainsi est l'homo sapiens...

Anonyme a dit…

Ay, ma pauvre ! Je trouve le thème de la pièce à mourir de rire (et tout comme toi je pense qu'il doit y avoir une grande part de provocation dans leur choix)... mais à ta place, je me serais bien gardée de le dire !

Anonyme a dit…

Ben dis donc, entendre Purcell par Alfred Deller ca m'a fait un choc. Ca rajeuni pas tout ca! Je le trouve un peu poussif d'ailleur. J'ai personellement un faible pour James Bowman (la voie, hein , pas le mec) c'est un plus clinquant mais finalement plus agreable a ecouter,

Anonyme a dit…

J'aime toujours bien Purcell par Deller et puis ça me rappelle de bons souvenirs. Comme dit T. ça ne nous rajeunit pas, mais bon!

E. a dit…

@ homosapiens: mouais parfois ils ne sont pas si sapiens que ça l'homme et la femme modernes...

@ Laurange: je n'aurais probablement rien dit si ça n'avait pas été dans ce contexte, une réunion très formelle comme si c'était gravissime ce qui s'était passé. Faut pas croire, hein, mais je sais aussi fermer ma gueule ;-) Si si par exemple je n'ai jamais fait part à des Mexicains de mon opinion sur l'avortement: j'suis pas folle j'veux pas me faire lyncher!

@ T. : euh poussif, faut pas pousser non plus hein ;-)

@ Alf: pour moi aussi c'est plein de bons souvenirs qui sont associés à ce disque.

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'on s'oublie parfois, mais là je vais parler pour la bonne cause: je n'ai pas trouvé si déplacé d'avoir donné ton opinion, j'aurais sans doute fait la même chose. L'avantage en tant qu'expats, c'est qu'on peut comparer et donc relativiser. Si ces mômans préfèrent ignorer où en sont leurs gamins respectifs, c'est leur problème et c'est même plutôt inquiétant.

Eh, oui Purcell par ye olde Deller, t'is a pleasure! Tu connais sans doute "The Fayrie Queene" par les mêmes?

Anonyme a dit…

eh bien moi je pense que tu as bien fait de ne pas crier avec les loups et de dire ce que tu pensais. Et puis c'était vrai, il n'y a pas de quoi en faire un fromage. Vos enfants ont créé une histoire originale, provocatrice et en réaction avce ce qu'il pensait être niais, je trouve qu ec'est une bonne chose.
Ensuite c'est sûr que la réaction des gens n'estpas super. D'ailleurs pourquoi il y avait-il débat puisque tout le monde devait s'horrifier des compisitions scolaires?

J'espère que ça se tassera en tout cas!

E. a dit…

@ Gryphon: je trouve que certaines Mamans dans cette école manquent cruellement de recul. Elles ne sont jamais sorties de leur trou (ça, on ne peut pas leur reprocher, je suis d'accord) et en sont fières (ça c'est déjà plus criticable...). Si ça s'est toujours fait comme ça pourquoi changer? Moi j'avoue j'ai du mal...
Et honte sur moi, je ne connais pas "The Fayrie Queene"...

@ Elsa: ça s'est tassé et après ce moment déséagréable je fais un peu plus attention où je mets les pieds dans ce genre de réunion mais tu as mis le doigt exactement là où ça fait mal: cette réunion était en fait purement informative et pour essayer de trouver des solutions à ces "comportements inadmissibles". C'est moi qui ai "mal compris" et ai voulu en faire un débat...D'où ma grande solitude...

Anonyme a dit…

Je suis persuadée que si j'avais les mêmes défis à l'école suisse... je ferais tout plein de boulottes moi aussi! On ne peut absolument pas opiner du chef sans rien dire quand on a un baggage différent que celui des locaux non?

E. a dit…

Je trouve que ce n'est pas toujours facile de trouver la juste mesure.