Vous vous souvenez peut-être de ce billet dans lequel je vous racontais le parcours scolaire de mes enfants. C'était en fait une "première" partie destinée à servir d'introduction à une note consacrée au "français tel qu'ils le parlent...". Mais si j'ai commencé plusieurs fois ce billet je n'ai jamais réussi à le terminer. Trop long, trop confus...
J'ai donc tout remis à plat...et presqu'un an plus tard je pense être enfin arrivée à pondre un article compréhensible, voire même (peut-être) intéressant! Faut pas être pressé, mais comme on dit: tout vient à point à qui sait attendre...J'adore ces proverbes à la noix!
Donc mes enfants parlent français, ne serait-ce que par le fait qu'à la maison nous exigeons qu'ils le parlent mais c'est vraiment un français bizarre. Truffé d'expressions directement traduites de l'anglais et surtout de l'espagnol. Mais en même temps ils utilisent parfois des mots, non pas difficiles mais d'un niveau de français plutôt relevé. Par exemple, mon fils m'a demandé récemment si la remarque que je venais de faire était "sarcastique". Et ils se corrigent l'un l'autre. C. qui disait (en " spanglais " dans le texte) que c'était "obvieux" qu'il n'allait pas pleuvoir, a été reprise par son frère qui lui a demandé si elle voulait dire "évident".... Ce à quoi elle a répondu: "lo que sea"....Ca nous change un peu du "whatever" qu'elle (et moi) utilisons trop souvent !
Je pense que C., qui est vraiment trilingue, fait moins d'effort que son frère qui est seulement bilingue franco-espagnol avec un niveau correct en anglais. Elle mélange (volontairement, ou par paresse) les trois idiomes. Le premier mot qui lui vient à l’esprit c'est celui qu'elle utilisera et elle n'hésite pas une seconde à mélanger dans une seule phrase les trois langues si c'est plus facile.
Bien sûr je m'y oppose et nous essayons qu'une phrase commencée dans une langue soit terminée dans la même. Et je passe mon temps à corriger les fautes de grammaire et de vocabulaire qu'ils peuvent faire, la plus courante étant : "nous allons au docteur (dentiste, coiffeur...)... " Ca fait des années que je me bats et même si j'ai noté ces derniers mois une nette amélioration (c'est-à-dire qu'ils se reprennent eux-mêmes) je me demande si j'arriverai un jour à leur faire dire du premier coup "chez le docteur"...
Voici quelques exemples de leur français à eux…
Il y a les expressions directement issues de l'espagnol: visiter à quelqu’un, ça m'est mal sorti, Machin est sorti à la radio, Fulanita et Fulanito ont coupé....
Et les anglicismes : c'est bien pour lui, chercher pour quelque chose, attendre à ou attendre pour quelqu’un, j’ai sauvé le jour…
En ce qui concerne le vocabulaire c’est encore plus "obvieux " comme dirait ma fille. Déjà il y a des termes que nous employons tous: " lunch-box " ou "lonchera" (c'est quoi exactement l'équivalent en français?), " sweater " (ou "sueter " à la mexicaine) au lieu de gilet alors que, s’il s'agit d'un pull, étrangement c'est bien le mot français qui a été adopté. "Chaleco" au lieu de débardeur (E' ne connait absolument pas le mot français, il faut dire que débardeur c'est tellement rétro que finalement le mot espagnol est plus adapté). Nous utilisons indifféremment "mochilla" ou "cartable" mais curieusement "back-pack" est tombé en désuétude quand nous avons quitté le Texas. Et mes enfants n'ont pas de trousse, non, ils ont un "estuche" dans lequel E' range ses "plumes"...
Quand je leur fait réciter les tables de multiplications en français j'ai droit à "7*9=soixante-trois" mais "7*10=setenta". Et partir de "setenta" en général c'est l'espagnol qui domine. Peut-être que j'aurais du leur apprendre septante, octante et nonante. Mais ça n'aurait rien changé au fait que pour C., 10 divisé par 2 c'est 10 "entre" 2....
Il est d’ailleurs assez amusant de noter qu’il leur arrive aussi d’ « espagnoliser » un terme français en rajoutant un « a » ou un « o » ou de conjuguer un verbe français à la mode castillane…En revanche je n'ai jamais remarqué de "francisation" de l'anglais chez ma fille.
Entre eux les enfants ne parlent pratiquement qu'espagnol sauf quand il s'agit de s'insulter. Là le français reprend ses droits et quelques fois même l'anglais...
Parfois nous nous demandons si E' comprend bien le français, surtout lorsqu'il s'agit d'instructions. Il lui manque du vocabulaire. Alors pour devancer tout problème nous avons pris la mauvaise habitude de traduire...ce qui fait qu'il ne sait toujours pas, par exemple, ce qu'est une commode...
Quant au titre c'est un clin d'œil familial: un jour que j'étais tranquillement en train de ne rien faire, j'ai entendu des beuglements atroces en provenance du premier étage et mon fils qui hurlait que sa sœur avait pissé sur ses affaires,. Je me suis précipitée en pensant que là vraiment elle avait franchi les bornes des limites et qu'on allait voir ce qu'on allait voir...Pour m'apercevoir qu'en fait elle n'avait fait que "piétiner" les affaires en question et qu'E' avait honteusement et à mauvais escient francisé le verbe "pisar"...